Conversation avec Simon Fourcade

Salut Simon, peux-tu te présenter en quelques mots ?Un proverbe qui te suit ?

 

Je m’appelle Simon Fourcade, j’ai un passé d’athlète de haut niveau en biathlon sur lequel j’ai plus ou moins brillé pendant presque vingt ans de carrière à l’internationale. Je suis accessoirement le frère de Martin Fourcade que l’on connaît un petit peu plus et j’ai eu la chance de partager un bout de ma longue carrière avec lui et j’en suis très fier - tous les athlètes n’ont pas la chance de vivre ça en famille ! Je suis également papa d’un petit garçon qui s’appelle Adam et suis depuis mon arrêt de carrière - il y a quatre ans maintenant - entraineur des groupes Junior et B de biathlon, ainsi que référent sur les circuits juniors, notamment pendant la saison hivernale. Pour le proverbe qui me suit, j’aime bien celui de « Choisir c’est renoncer ».

 

Quelle enfant étais-tu ? On connaît peu de frères/sœurs champions dans la même discipline : quel rôle la fraternité a pu jouer au quotidien dans la construction de vos carrières respectives ?

J’ai grandi à Font-Romeu, dans les Pyrénées Orientales. C’est ce lieu qui m’a donné une première ouverture sur le monde sportif au travers du lycée climatique (CNEA) où j’ai pu découvrir plusieurs disciplines et sportifs qui venaient s’entraîner sur le site. Plutôt actif, mes parents m’ont mis au sport assez tôt pour me canaliser. Je n’étais pas forcément intéressé tout de suite à la compétition, c’est que vers l’âge de 16 ans et demi que je suis parti sur le Vercors pour intégrer un lycée sportif spécifique au ski et pouvoir pratiquer ma discipline dans des conditions optimales. Avec du recul, le fait de quitter les Pyrénées et avec eux ma famille et mes amis a vraiment été un choix salvateur car il m’a permis de vraiment me dire que je ne faisais pas ce choix pour rien et qu’il fallait que je m’en donne les moyens. J’ai évolué aux côtés de mes deux petits frères, Brice et Martin, avec qui j’ai pu pratiquer pas mal de sports outdoor. Sur l’aspect de la fraternité, Martin a d’abord suivi son grand frère comme cela peut être le cas dans beaucoup de familles en me suivant sur différentes étapes de mes projets sportifs comme le Hockey sur glace, le ski de fond puis le biathlon. De mon côté, ce n’est que plus tard que j’ai pu apprendre de mon petit frère et il m’a fallu prendre pas mal de recul car quand on a son petit frère qui nous passe devant ça n’est pas toujours facile à admettre. Le temps et le recul m’ont permis de profiter pleinement de son expérience et c’est à la suite de cette démarche personnelle que j’ai obtenu mes meilleurs résultats.

Quelle place a pu prendre la course à pied durant ta carrière de biathlète international ? L’as-tu partagée avec d’autres coureurs ? 

La course à pied a toujours eu une place prépondérante dans la préparation d’un skieur de fond et d’un biathlète : en ce qui me concerne, j’ai eu mes premières expériences autour de la course à pied et de l’athlétisme aux côtés d’un ami de mon père, qui s’appelle ALI BAKHTI avec qui j’ai eu l’opportunité de faire les marchés durant les saisons off l’été, ce qui me permettait en parallèle de partager ses entrainements le matin et le soir puisque je dormais chez lui à cette période. C’était un athlète accompli, qui courait beaucoup sur 5 et 10k avec des temps très honorables. Ali m’a apporté une première expérience du sport de haut niveau au travers du partage de son quotidien d’athlète. Par la suite, la course à pied a pris plus la forme de séances de trail comme on a plus habituellement l’opportunité de la pratiquer en tant que biathlète. Les longues sorties en montagne nous permettent de développer nos qualités d’aérobie, de travailler nos appuis avec les descentes notamment pour préparer l’hiver. Dans une seconde partie de carrière j’ai également pratiqué la course à pied en allant sur piste pour travailler sous forme de PMA, de seuils ou d’intervalles. Ayant toujours été plutôt fragile aux tendons, ce n’est pas quelque chose qui m’a été que bénéfique car le revêtement de la piste m’occasionnait des douleurs assez importantes qui me limitaient sur la pratique de mes entraînements plus spécifiques au ski. Je gardais donc ce type de travail pour les inter-saisons !

Après une carrière si riche [ neufs podiums individuels en coupe du Monde, le petit globe de l’individuel en 2012… ] , qu’est ce qui t’a poussé à raccrocher les skis ? Comment as-tu vécu cette transition ? 

Ce fut tout d’abord le souhait d’être plus présent avec mon petit garçon Adam, qui à l’époque allait sur ses deux ans. Une carrière de biathlète est passionnante mais comme toute carrière sportive, elle est aussi exigeante. Les déplacements sont nombreux et fréquents et sur mes dernières années, en prenant en compte tous les déplacements (stages, compétitions, représentations sponsors, opérations de relations publiques etc..), j’étais hors de mon domicile 190 à 220 jours/an. J’avais tout simplement envie de passer plus de temps avec lui. 

Ensuite, on ne va pas se mentir non plus, j’avais 35 ans et depuis 2-3 ans, mes résultats étaient en dent de scie. J’étais clairement plus proche de la fin que du début. L’envie de passer plus de temps avec mon fils m’a simplement aidé à prendre une décision que je n’arrivais pas à prendre. 

Cependant, je ne fais pas partie de ceux qui ont du mal à effectuer la transition post carrière. J’étais en train de terminer mon DE Entraînement et la fédération française de ski m’a sollicité pour me proposer de devenir responsable de l’Équipe nationale Junior. J’ai accepté le post et à peine 10 jours après ma dernière compétition, j’étais en réunion pour préparer la future saison des athlètes du groupe Junior. Je n’ai clairement pas eu le temps de me retourner car j’avais énormément de choses à apprendre. Je me sentais compétent grâce à mon expérience pour prendre en main ce groupe mais je n’avais jamais imaginé tout l’aspect logistique et organisationnel que cela représentait. Il m’a fallu tout apprendre sur le tas. Je n’ai donc clairement pas eu le temps de penser à ma transition. 

Comment t’épanouis-tu dans ta seconde vie ? Des projets en cours ou à venir ? 

Même si je suis toujours dans le biathlon, c’est une approche différente. Il ne s’agit plus d’être centré sur soi-même, sur SA performance. En tant qu’entraîneur, on est au service des athlètes ; mais le projet reste tout aussi passionnant : travailler pour la performance d’autrui, aider les athlètes à atteindre leur plein potentiel est une vraie mission. Chaque athlète est unique de par ses qualités, son vécu, ses objectifs… Trouver les clefs qui les aideront à se réaliser non seulement en tant que sportif mais aussi en tant que femmes et hommes, notamment chez des jeunes athlètes, est un réel challenge. L’entraînement moderne ne se limite plus uniquement à la construction de séances d’entrainement. Les études, la science, les retours d’expérience, la technologie, nous ont permis de comprendre qu’une approche individuelle et multi sectorielle (physiologique, psychologique, nutritionnelle, matérielle… ) est nécessaire pour permettre aux athlètes d’atteindre leur plein potentiel. L’apprentissage en tant qu’entraineur est vaste et continu et c’est ce qui rend ce métier passionnant ! Pour les à-côtés, j’ai participé à la création d’un corner Nordique sur la plateforme GLISSHOP. Je travaille également en tant que consultant avec La Chaîne l’Équipe. 

Enfin en tant que passionné de préparation physique, j’ai divers projets dans ce domaine ;)

Né dans les Pyrénées Orientales, tu habites aujourd’hui à Villard-De-Lans. Qu’est ce qui te plait dans le Vercors – et plus globalement à la montagne ? Tu te vois la quitter un jour ? 

J’adore mes Pyrénées natales et ses terrains de jeux infinis. Cependant dans le domaine du ski, beaucoup de choses se passent dans les Alpes. C’est la raison pour laquelle j’ai rejoint le Vercors à l’âge de 16 ans - comme expliqué dans la question n°2.  J’y ai depuis construit ma vie et même si j’aimerai retourner un jour dans les Pyrénées, le Vercors m’offre aujourd’hui un confort que je ne retrouverais nulle part ailleurs.  Pour ce qui est de quitter les montagnes, il n’en est pas question ! Même si pour des raisons personnelles, j’y passe actuellement beaucoup moins de temps. 

Une spécialité culinaire locale ?

Spécialité Pyrénéenne ou Vertacomicorienne? 

Pour le Vercors : les Ravioles sauce aux Cèpes.

Pour les Pyrénées : nous sommes proches de l’Espagne alors je dirai la Fideua (une sorte de paella à base de pâtes, de poisson, crustacés et fruits de mer) !

Qu’est-ce que t’apporte la course à pied aujourd’hui, et quelle forme sa pratique prend-elle ? 

La course à pied représente, selon moi, le socle de toute préparation physique qui se respecte. 

Nous nous déplaçons sur deux appuis depuis plus de 3 millions d’années et, quelle que soit la discipline, envisager une préparation physique sans un minimum de course à pied est impensable : elle nous permet de développer au sens large nos qualités d’endurance, de vitesse, d’explosivité, proprioceptive mais elle permet surtout de limiter le risque de blessure dans un milieu sportif ou l’ultra spécialisation est devenue la norme. Aujourd’hui, nombre de disciplines excluent la course à pied de leurs entrainements car ils craignent les blessures. C’est selon moi prendre le problème à l’envers : dans un monde de plus en plus sédentaire, où l’on préfère l’ascenseur à l’escalier, où 3 clics sur une appli de livraison à domicile suffisent pour se nourrir, les sportifs ne font pas exception à la règle et ne sollicitent plus leurs membres inférieurs hors que dans des exercices ultra spécifiques à leurs discipline. C’est précisément lorsque l’on sort de ce cadre spécifique que le risque de blessures survient majoritairement. Il est donc nécessaire, avec une charge de travail adaptée, de leur permettre de réactiver ces qualités primaires et fondamentales afin de limiter le risque de blessures. 

Il y a heureusement aujourd’hui une prise de conscience des spécialistes du sport qui sont de plus en plus sensibles à cette problématique et qui remettent l’humain au centre de nos prérogatives. 

Sur un plan plus personnel, aujourd’hui, n’ayant plus la possibilité de m’entraîner autant que pendant ma carrière, la course à pied est la discipline que je pratique le plus. Il n’y a rien de plus simple et de plus efficient ! Un short, une paire de basket, on sort de chez soi, et c’est parti. 1h d’entrainement = 1h de dépense énergétique = 1h de pur kiff !

En tant que coach, tu intègres donc la course à pied dans l’entrainement de tes athlètes ? 

Tout à fait et il représente une part importante de l’entraînement que je mets en place avec les athlètes dont je m’occupe. Je pense avoir bien dégrossi ma vision des choses au travers de la précédente réponse, mais à titre d’exemple je conserve 1 à 2 séances d’entraînement en CAP hebdomadaire et ce même en pleine saison. Il arrive en effet - même en pleine saison hivernale - que l’enneigement fasse défaut et la course à pied apparait alors comme notre seule alternative. J’observe néanmoins que les athlètes qui n’ont pas couru depuis plusieurs semaines sont courbaturés voire développent des tendinopathies : conserver une pratique régulière reste primordial pour ne pas compromettre la performance. Il faut également rester vigilant sur les appuis : les athlètes ont les pieds/chevilles immobilisées dans des chaussures en carbone très rigides et ne mobilisent donc pas ou peu leurs qualités proprioceptives. Une simple erreur d’appui pourrait tirer un trait sur leur saison (entorses). 

Une chaussure favorite ? Pourquoi ? 

La Adidas Ultra Boost 22 et plus spécifiquement le coloris Zebra Non-Dyed. Efficace, magnifique et Eco Responsable (Parley) !

Merci beaucoup pour ton temps. Selon toi, qui devrions-nous interviewer pour notre prochain portrait ? 

Sans hésiter, le triathlète Dorian Coninx. Un athlète que j’apprécie et que tu connais également je crois !

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